Un endroit où l’odeur du romarin se mêle à celle des buis et des genêts.
Le village abandonné
Muro de Bellospar Hugues ENOND
Escalona
Point de départ de la randonnéeAprès avoir laissé la voiture à la sortie d’Escalona, j’emprunte à pied la route (carrossable seulement en 4×4) et ses quatre kilomètres sous un soleil de plomb. Dépaysement total après la balade en raquettes dans le Néouvielle la veille : sous les sapins, l’odeur du romarin se mêle à celle des buis et des genêts. Distrait par cette atmosphère, c’est l’envol d’un vautour quelques mètres au-dessus de ma tête qui me ramène à la réalité : mes pas ont dû le déranger. Le constat est clair : je ne vais pas rencontrer grand monde aujourd’hui !
J’ai tout de même la chance d’observer, après quelques minutes, un impressionnant criquet (égyptien ?) long d’environ 5 cm !
Quelques lacets plus hauts, j’aperçois enfin le village sur son promontoire : un modeste clocher et une grande bâtisse éventrée.
Je continue ma progression pour atteindre l’entrée du village, surplombée sur la gauche par l’église et plusieurs habitations, tandis que de plus modestes constructions sont dispersées le long de la route qui file plus loin sur le flanc des collines. La végétation recouvre plus ou moins les terrasses, vestiges d’une activité agricole passée, au pied des fondations.
Le point de vue est magnifique, du lac de Mediano au sud jusqu’au cañon d’Anisclo au nord, au pied des sommets enneigés.
Le village
avec ses mystèresJ’entre dans la « grand-ruelle » pentue et étroite qui serpente entre les maisons, jonchée de moellons et de lauzes, ces dalles de pierre qui constituent la toiture des maisons traditionnelles. La désolation est partout, jusqu’au porche de l’église Santa Maria (XVIème siècle).
La porte, disposée à l’intérieur, et les peintures bleues défraîchies sont protégées de l’intrusion des troupeaux par une barrière métallique scellée à son entrée.
Je contourne ensuite l’église pour atteindre le petit cimetière où subsistent quelques croix noyées dans l’herbe, à l’ombre du clocher, dont la cloche frappée en 1691 garde le silence depuis des dizaines d’années.
Rassasié, je reprends ma visite en rejoignant ces constructions plus éparses et éloignées du village. Dans la première d’entre elles, la structure métallique d’un lit gît sous les restes du plancher et de la charpente effondrés. Dans quelles conditions les villageois ont-ils déserté leurs habitations.
La visite terminée, je reprends la route avec la sensation amère d’avoir été témoin du sacrifice de ce village, renforcée par l’impression que sa position et son environnement paradisiaque devaient en faire un cadre de vie propice au bien-être de ses habitants.
Plusieurs de ces villages « deshabitados » ont bénéficié d’une restauration ces dernières décennies et connaissent aujourd’hui une nouvelle vie, touristique principalement, à l’image de Liguerre de Cinca, El Pueyo de Araguas, Morillo